Est-ce qu’il y a des entreprises en Algérie qui utilisent de manière formelle une démarche d’intelligence économique ?
Je tiens à préciser que, quand je parle de démarche formelle d’intelligence économique, je suppose que figurent en bonne place des structures chargées de l’intelligence économique dans les organigrammes des entreprises : Service – Bureau – Département ou Division Intelligence économique par exemple.
J’aimerais aussi clarifier dès le départ ma position en avançant que ma réponse à la question posée en début d’article est malheureusement négative et je suis désolé pour tous les efforts et énergies qui ont été dépensés de 2005 à ce jour pour introduire une démarche d’intelligence économique en Algérie.
Je n’ai pas compté les nombreux colloques, séminaires et assises avec, dans beaucoup de cas, une invitation d’orateurs et de participants étrangers où l’intelligence économique figurait en bonne place.
Pour moi, et je le précise une seconde fois, aucune entreprise en Algérie n’utilise aujourd’hui de manière formelle une démarche d’intelligence économique. Je souhaiterais d’ailleurs vivement l’intervention de personnes pour me contredire sur cette question et j’en serais très heureux pour mon pays.
Bien sûr, terminologiquement, je ne parle pas de veille, ni de veille stratégique ou encore moins de knowledge management mais bien d’intelligence économique dont, il est vrai, que la veille et le management des connaissances en sont des composantes non négligeables.
Je rappelle egalement qu’il y avait bien une Direction Générale pour l’Intelligence Economique – Etudes et Prospective (DGIEEP) créée en mars 2008 au sein du Ministère de l’Industrie (et de la PME/PMI à l’époque) mais qui a été finalement dissoute en décembre 2021 et remplacée par la Direction Générale de la veille stratégique, des études et des systèmes d’information. Le terme « Intelligence économique » a donc bien disparu du lexique du Ministère de l’Industrie.
Je rappelle aussi que la première entité en Algérie à s’être lancée dans une formation en intelligence économique était l’Université de la Formation Continue à Alger en 2007 : C’était une Post-Graduation Spécialisée.
Et en soutien à l’effort de diffusion de la culture relative à cette nouvelle discipline, la DGIEEP publie en 2010, en collaboration avec le cabinet privé Veil Tech, un manuel de référence sur la formation en intelligence économique en Algérie.
En 2011, l’Institut Supérieur de Gestion et de Planification (ISGP) de Bordj El Kiffan/Alger (sous tutelle du Ministère des Finances) lance en collaboration avec le Ministère de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement, un Master en intelligence économique et management stratégique destiné aux entreprises.
En 2012, c’est au tour de l’Ecole Nationale Supérieure de Management (ENSM), toujours à Alger, de proposer un Master professionnel sur l’intelligence économique avec des experts nationaux et internationaux.
Enfin, et plus récemment, l’École Supérieure d’Économie d’Oran lance une première promotion de Master en intelligence économique et stratégies compétitives qui sortira cet été 2025.
Nous avons donc formé une multitude de cadres dans le domaine de l’intelligence économique depuis 2007 à ce jour et finalement pour quel résultat ?
Que sont devenus tous les cadres formés dans le domaine de l’intelligence économique ?
Est-ce qu’ils ont tous produit des mémoires de fin d’études ?
Où ont-ils effectué leur stages de terrain du moment qu’aucune entreprise ne pratique de manière formelle une démarche d’intelligence économique en Algérie ?
Quels ont été leurs thématiques de mémoires de fin d’études ?
C’est justement ces deux dernières préoccupations qui ont été portées à ma connaissance par un certain nombre d’étudiants qui éprouvent ou qui ont éprouvé des difficultés pour entamer et terminer leurs mémoires de fin d’études.
Est-il raisonnable de lancer des formations universitaires en intelligence économique alors qu’en Algérie aucune entreprise ne pratique cette démarche ?
Et que faudrait-il faire alors dans ce cas de figure ?
Pour ma part, je dirais qu’il est tout à fait absurde de lancer de longues études universitaires en intelligence économique (deux ans et plus) et qu’il est encore moins pertinent de proposer des doctorats dans cette discipline.
Je sais, mon point de vue est radical et expéditif mais c’est vraiment ce que je pense.
La seule chose que je pourrais concevoir serait d’enseigner les fondamentaux de l’intelligence économique et l’enseigner à tout le monde, sans exception. Un module d’une cinquantaine d’heures sera largement suffisant pour commencer à diffuser une culture d’intelligence économique à tous : Étudiants toutes spécialités confondues, cadres, dirigeants d’entreprise et j’en passe.
Il faut enseigner dans une première phase les fondamentaux de la discipline et ensuite à chacun d’adapter cette démarche dans son domaine d’activité et d’expertise : Le temps fera la différence.
C’est ce que j’ai fait pour sept (07) promotions de cadres du Ministère de l’Industrie durant un séminaire de cinq jours que j’ai intitulé : La gestion opérationnelle de l’information dans la prise de décision. En gros, j’ai introduit tout simplement les fondamentaux de l’intelligence économique aux cadres du Ministère de l’industrie et c’est à eux maintenant de développer leur outil.
L’intelligence économique est une discipline qui ne peut être « académisée » car elle est basée essentiellement sur des pratiques quotidiennes très terre à terre et concrètes.
Trop de théorie nuit à la théorie et que vive le concret et le palpable.
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