Intelligence Économique & Gouvernance

Qu’est-ce qui freine l’avancée du numérique en Algérie ?

Appelons un chat, un chat, si nous souhaitons mieux comprendre notre environnement et bien avancer. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication laissent des traces et cela n’arrange pas tout le monde. Les agents véreux de l’administration voient d’un très mauvais œil tout ce qui se rapporte à la technologie et en particulier à l’informatique. Les opérations de numérisation des procédures administratives faites dans différents secteurs ont limité très fortement l’intervention humaine et donc protégé contre toute intervention intempestive bloquante. Moins il y a d’intervention de l’homme et plus c’est fonctionnel et fluide.

Pourquoi l’administration fiscale n’est pas fortement numérisée ? Une question pertinente ! Visitez les infrastructures détenues par l’administration fiscale et vous devinerez pourquoi cette administration ne veut pas se moderniser et s’équiper convenablement. La collecte de l’impôt est pourtant une activité vitale des gouvernements et permet de financer les activités des pouvoirs publics. Pourquoi donc laisser cette administration dans un état archaïque ? Intervention de l’homo-sapien ? Trop de numérisation limiterait son intervention ?

Oui, tout à fait, la numérisation est l’ennemi numéro un de la bureaucratie et de la corruption quand elle permet l’accès facile et rapide à l’information tout en garantissant plus de transparence et de visibilité. Moins il y a d’intervention humaine et mieux ça marche. Plus il y a de transparence et moins il y aura d’agents véreux, c’est tout simple. La loi s’applique à tous, de la même manière et sans aucune exception.

Qu’en est-il de la situation au niveau des Douanes Algériennes ? Le même constat pourrait être établi : Avec moins d’intervention humaine, il y aura plus d’efficacité. Quel est l’arme redoutable de l’agent véreux ? L’information, bien sûr, l’information précieuse qu’il cache si bien. Introduisons donc plus de transparence, partageons l’information à tout va, facilitons l’accès à l’information et le tour est joué. Par quel moyen cela serait-il possible de le faire ? La numérisation, les outils technologiques, les NTIC, la Data pour tous, l’interopérabilité, les connexions facilitées, etc.

Qu’en est-il des transactions Monétiques ces dernières années en Algérie ?

Les chiffres communiqués par le GIE Monétique sont édifiants à plus d’un titre et je vous laisse le soin de le découvrir par vous même.

Les transactions Monétique (Source GIE Monétique )
Le premier chiffre est celui du nombre de transactions effectuées et le second est le montant des transactions.

2016 : 7 366 – 15 Millions DA
2017 : 107 844 – 267 Millions DA
2018 : 176 982 – 332 Millions DA
2019 : 202 480 – 503 Millions DA
2020 : 4 593 960 – 5 423 Millions DA
2021 : 7 821 346 – 11 176 Millions DA
2022 : 1 186 188 – 2 145 Millions DA

NB : Pour l’année 2022, cela ne concerne que les mois de janvier et de février 2022.

On observe donc parfaitement que les transactions monétiques n’ont finalement démarré que durant l’année 2020 passant en une année (de 2019 à 2020) de 202 480 transations à 4 593 960 (une croissance de 2268%) accompagnés d’un montant qui passe de 503 millions de DA à 5 423 millions de DA (soit une progression de 1078%).

Que s’est-il donc passé durant cette année 2020 pour faire bondir ces chiffres ?

Deux événements majeurs se sont produits cette année 2020 : La pandémie sanitaire bien sûr ainsi qu’un événement lié à Algérie Poste. Ce dernier évènement est, je pense, celui qui est à l’origine en réalité de ce notable changement. En fait, le 05/01/2020 a été le début de l’interopérabilité des cartes CIB (Banques) et Edahabia (Algérie Poste). C’est en quelque sorte l’autorisation d’Algérie Poste à rejoindre le paysage bancaire Algérien à travers sa nouvelle carte Edahabia. C’est donc Algérie Poste qui a fait grimper les chiffres durant l’année 2020 et les doubler encore plus l’année 2021 qui a suivi avec 7 821 346 transactions (170% de croissance) pour un montant de 11 176 millions de DA (206% d’augmentation).

Quelques chiffres pour mieux saisir les enjeux entre nos Banques et Algérie Poste :
▪︎ Plus de 23,6 millions de comptes CCP pour une moyenne de 14 millions de comptes bancaires.
▪︎ Plus de 10 millions de carte Edahabia et environ 2,5 millions de cartes CIB distribuées.
▪︎ Plus de 3800 bureaux de poste répartis sur le territoire national.

Pour les personnes qui ne le savent pas, Algérie Poste n’a été autorisée à effectuer des virements de compte à compte qu’au mois de décembre 2019. Oui, c’est incroyable, mais c’est ainsi que cela se passe. Avant cette date, il était interdit à Algérie Poste de faire le compte à compte et cette interdiction émane bien sur des lobby bancaires, ABEF en tête de liste. Je rappelle que l’ABEF est l’association des banques et établissements financiers.

En résumé, il faut juste retenir que les Banques n’ont jamais porté dans leur cœur Algérie Poste qui a toujours été vue comme une rude concurrente. L’ABEF n’a jamais accepté qu’Algérie Poste puisse faire le travail d’une banque. Il a fallu l’arbitrage du Chef du Gouvernement pour autoriser enfin Algérie Poste à effectuer le compte à compte à la fin de l’année 2019. La survenue de la pandémie sanitaire le premier trimestre 2020 n’a fait que renforcer la décision prise qui permettra au titulaires de cartes Edahabia de faire des transactions en ligne et éviter de fréquenter les Bureaux de Poste en soutien aux conseils sanitaires prodigués par les autorités. Une excellente chose finalement. Eh bien non malheureusement, le lobby bancaire frappera de nouveau durant le premier trimestre de l’année 2021.

En effet, en date du 21 mars 2021, les plus hautes autorités du pays décident de la fermeture de tous les comptes commerciaux d’Algérie Poste. Cette décision a été prise en réaction à la situation au niveau des Bureaux de Poste suite au manque de liquidité financière. En gros, il a été admis que ce sont les comptes commerciaux détenus par Algérie Poste qui sont à l’origine du manque de liquidité financière.

Est-ce vraiment le cas ? Rien n’est sûr et en tous les cas, moi je n’y crois pas. C’est juste une réaction du lobby bancaire suite à la diffusion par le GIE Monétique et pour la première fois les chiffres éloquents sur les transactions monétiques depuis 2016 à ce jour. Au vu du succès éclatant de la carte Edahabia par rapport à la carte CIB, les banques ont eu peur pour leur avenir et ont actionné leurs réseaux pour finalement induire en erreur les premiers décideurs. Les comptes commerciaux d’Algérie Poste n’ont rien à voir avec le manque de liquidité financière et il faut chercher les vrais raisons du côté économique plutôt. Avec la pandémie sanitaire, l’économie nationale s’est tout simplement réduite au strict minimum touchant ainsi aux flux monétaires.

En conclusion, je dirais que si nous souhaitons développer le Numérique en Algérie, il faut encourager Algérie Poste à Aller de l’avant et non la bloquer. Les pouvoirs publiques doivent soutenir et assister Algérie Poste à remettre à jour le vieux dossier de la Banque Postale.

Algérie Poste sera-t-elle la première banque numérique en Algérie ?

Je dirais oui sans aucune hésitation aucune !

Pour donner enfin au numérique tout son essor, deux gros chantiers devraient être ouverts dans l’urgence :
1- La réforme du système bancaire et monétaire,
2- Une grande réforme fiscale visant en tout premier lieu, l’équité fiscale.

(C) 2022 Labdi Abdeldjelil

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